Les programmes des gardiens favorisent la guérison sur le territoire

10 août 2021

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Sur les terres de la zone de protection autochtone Thaidene Nëné, NWT. Photo: Pat Kane

Sur les terres de la zone de protection autochtone Thaidene Nëné, NWT. Photo: Pat Kane

Les programmes des gardiens favorisent la guérison sur le territoire. L'an dernier, l’honorable Ethel Blondin-Andrew a amené des jeunes du Sahtu sur le territoire pour des camps de formation de gardiens. Elle a été témoin de leur transformation. « Les jeunes y ont vécu des expériences enrichissantes sur le plan culturel et spirituel. Mais avant tout, ces camps leur ont permis de guérir, déclare Mme Blondin-Andrew. En propageant cette idée que nous n’étions pas dignes d’être aimés, les pensionnats ont infligé de grandes souffrances et créé des traumatismes intergénérationnels. Nous méritons d’être aimés. Les jeunes qui fréquentent nos camps l’ont compris. Ils savent que c'est sur le territoire qu’ils s'accomplissent le plus comme être humain », ajoute Mme Blondin-Andrew.

Le pouvoir de guérison du territoire a gagné en importance cet été. Chaque nouvelle rapportant la découverte de tombes d'enfants sur les terrains d’anciens pensionnats a engendré son lot de souffrances et un sentiment de perte dévastateurs. Ces « découvertes » n’ont rien de surprenant : les communautés autochtones connaissent depuis des générations la souffrance infligée par ces institutions. Mais ces nouvelles médiatiques ont réveillé des traumatismes familiers.

Ces événements nous rappellent aussi l’importance de se munir d’antidotes, de retrouver notre santé et notre fierté. Les programmes des gardiens autochtones font partie du remède.

Ils permettent aux personnes, aux communautés et au pays tout entier de guérir. Ces programmes traduisent bien ce dicton autochtone : prenons soin de la terre, et la terre prendra soin de nous. En honorant cette responsabilité culturelle à l'égard des territoires traditionnels, les gardiens contribuent à renforcer nos nations après des décennies de colonisation.

Plus de 70 programmes des gardiens sont actifs sur le territoire, et 25 sont en cours d'élaboration. Grâce à des investissements gouvernementaux supplémentaires à long terme, davantage de nations autochtones lanceront des programmes des gardiens, favorisant ainsi la guérison d’un plus grand nombre de communautés¸ tout en faisant avancer la réconciliation entre les nations autochtones et le Canada.

« Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de gardiens sur le territoire, affirme Mme Blondin-Andrew. Leur contribution est essentielle à la lutte contre les changements climatiques et contre la perte de biodiversité. Ils nous aident à créer un avenir meilleur pour nos communautés et notre pays - malgré les torts qu’il nous a causés. »

Voyage en canot pour les jeunes, Premières nations Dehcho, NWT. Photo : Amos Scott

Voyage en canot pour les jeunes, Premières nations Dehcho, NWT. Photo : Amos Scott

Guérir des traumatismes grâce au territoire

Pour de nombreux jeunes, devenir gardien représente l’occasion de guérir et de se rétablir. « Mon rôle de gardienne m’a aidée à surmonter les traumatismes, le deuil et la perte d’amis et de membres de ma famille », confie Tanya Ball, membre du réseau Dane nan yḗ dāh en Colombie-Britannique. « Se rendre sur le territoire en compagnie d'aînés et apprendre la culture et la langue est l’une des façons de guérir. On ne veut pas que la journée se termine tellement il y a de choses à apprendre. »

Jarrett Quock était conducteur d'équipement lourd. Il travaillait sur des chantiers, loin du territoire traditionnel de la Première Nation Tahltan, en Colombie-Britannique. Lorsqu’il sortait de sa communauté, il était la cible de racisme et il a dû lutter contre des problèmes de dépendance. Lorsqu’un poste s’est libéré au sein de l'équipe des Gardiens de la faune des Tahltan, il a sauté sur l’occasion.

« Être un gardien m'a aidé à traverser des périodes difficiles de ma vie, affirme Jarrett. Être en phase avec le territoire et discuter avec des aînés m'ont aidé à vaincre mes problèmes de dépendance. Ça a fait naître en moi un sentiment de fierté. Au bout du compte, je repars avec un sentiment de fierté du fait de mon appartenance aux Premières Nations. »

Lancement d'un canot d'écorce de bouleau avec les Wahkohtowin Guardians à Chapleau, en Ontario. Photo : Amberly Quakegesic

Lancement d'un canot d'écorce de bouleau avec les Wahkohtowin Guardians à Chapleau, en Ontario. Photo : Amberly Quakegesic

Jarrett et Tanya ne sont pas seuls. Des études menées en Australie et au Canada révèlent la panoplie de retombées positives des programmes des gardiens, y compris l’amélioration de la santé et du bien-être des communautés. En fait, chaque dollar investi dans les programmes des gardiens génère jusqu'à 3 $ en avantages sociaux, culturels et économiques.

Se réapproprier notre savoir

Depuis trop longtemps, les politiques gouvernementales ont criminalisé, déprécié ou mis de côté le savoir autochtone. Les programmes des gardiens, en revanche, sont ancrés dans l'expertise et le droit autochtones. Les gardiens sont formés aux techniques de la science occidentale, mais ils sont également guidés par les gardiens du savoir autochtone. Ils apprennent l’évolution des troupeaux de caribous au fil du temps, les endroits où les populations d'esturgeon peuvent ressurgir et la richesse des enseignements issus de la vie sur le territoire.

Aîné et enfant de la Première nation Ka'a'gee Tu. Photo : Pat Kane

Aîné et enfant de la Première nation Ka'a'gee Tu. Photo : Pat Kane

« Quand les gardiens parlent de leur lien avec le territoire et de la fierté qu'ils éprouvent à l'égard de la culture et du savoir autochtones, on a l'impression de se réapproprier ce que les pensionnats ont essayé de nous voler », estime Dahti Tsetso, directrice adjointe de l'Initiative de leadership autochtone (ILA).

Les programmes des gardiens permettent aux jeunes de s'imprégner de ce savoir. « Je n'ai jamais eu l'occasion d'apprendre de mes aînés quand j'étais plus jeune, explique William Alger, membre des K'éhodi du Dehcho dans les Territoires du Nord-Ouest. « Grâce à mon rôle de gardien, j’apprends maintenant à me réapproprier ce savoir dont j’ai été privé. Ça fait naître un sentiment très puissant. Quand je raconte ça aux aînés, ils sont ravis d’apprendre que des gens travaillent au mieux-être de notre peuple et de notre nation. »

La réappropriation de ce savoir est bénéfique à la fois pour nos communautés et pour la planète. Un rapport d’évaluation mondiale de la biodiversité publié par les Nations Unies conclut que les terres gérées par les peuples autochtones sont en meilleure santé et plus dynamiques qu’autre part. Une étude publiée par l’Université de la Colombie-Britannique s'est penchée sur les données relatives aux espèces au Canada, en Australie et au Brésil. Elle révèle que les territoires gérés par les communautés autochtones sont les endroits où l’on retrouve le plus d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles. 

Les gardiens Ni’Hat’Ni Dene préparent un repas près de Lutsel K'e, dans les NWT. Photo: Pat Kane

Les gardiens Ni’Hat’Ni Dene préparent un repas près de Lutsel K'e, dans les NWT. Photo: Pat Kane

S’épanouir grâce au territoire

Les relations que les peuples autochtones entretiennent avec les territoires traditionnels contribuent à la vitalité de ces endroits. Et en retour, ces territoires permettent à nos communautés de rester fortes et en santé. Stephanie Thorassie est directrice des opérations pour la Seal River Watershed Alliance, qui travaille à la création d’une aire protégée et de conservation autochtone dans le nord du Manitoba. « Nous savons qu’il faut établir de solides fondations pour bâtir un avenir prometteur pour nos communautés, dit-elle. Nous devons fouler le sol de nos pieds et disposer d’un endroit où notre culture peut s’épanouir. Nous voulons que nos jeunes soient fiers et qu’ils aient devant eux un avenir prometteur. Pour cela, il faut être fiers et vivre sur le territoire. »

Les gardiens font partie d'un mouvement plus large de conservation dirigée par les autochtones qui permet à nos communautés de vivre fièrement sur le territoire. Ces gardiens travaillent sur nos territoires, au nom de nos nations. Comme l'explique Miles Richardson, leader principal de l’ILA, les gardiens sont une expression de la nation, et « la meilleure façon de décoloniser les programmes est de respecter et d'appliquer les lois de nos propres nations ».

Mais avant tout, être gardien, c'est être présent sur le terrain, surtout dans les moments difficiles.

« La découverte de fosses communes a rouvert des plaies au sein de notre communauté et dans tout le pays, affirme Heidi Cook, chef de la nation crie de Misipawistik, au Manitoba. Maintenir notre lien au territoire est un facteur de guérison pour bon nombre de peuples autochtones. Redécouvrir ces lois ancrées dans la nature et ressentir l'amour du territoire envers nous et le lien d’appartenance envers cet espace qui est le nôtre - voilà l’important. »

Mais comme la chef le souligne également, les programmes des gardiens ont besoin d’un financement à long terme. « On observe de véritables changements et un appui réel à ces programmes qui permettent à nos communautés de guérir et de se reconstruire. J'ai confiance en l'avenir ».

Assister à un tournoi Dene Hand Games à Bechoko, NWT. Photo : Peter Mather

Assister à un tournoi Dene Hand Games à Bechoko, NWT. Photo : Peter Mather

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