Construire un canot

par: Amberly Quakegesic

18 décembre 2020

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Photos du processus de fabrication de canots d'écorce en compagnie du maître constructeur Chuck Commanda et des gardiens Wahkohtowin. Photo : Kari Luhtasaari

Photos du processus de fabrication de canots d'écorce en compagnie du maître constructeur Chuck Commanda et des gardiens Wahkohtowin. Photo : Kari Luhtasaari

En tant que gardienne du programme de développement Wahkohtowin, j'ai fait partie d'une équipe qui s'est donné comme mission de revitaliser la culture au sein de notre communauté par la construction d’un canot inspiré de la tradition algonquine. Je suis profondément reconnaissante d'avoir pu participer à cette aventure du début à la fin. Chaque étape de ce projet des gardiens était extraordinaire - de la récolte de racines jusqu’au moment où nous avons pagayé en rivière. Grâce à l’intégration du savoir traditionnel, à l’apprentissage sur le territoire et au lien renouvelé entre les jeunes et les aînés, j’ai pu donner un sens à cette expérience et accorder le temps nécessaire aux apprentissages. 

Je crois aussi sincèrement que, même sans le savoir, tout le monde aimerait avoir la chance de construire un canot en écorce de bouleau. Ça fait partie de notre identité. De notre héritage culturel. C’est tout naturel, comme le simple fait d’être Canadien. 

Fabrication de canots d'écorce en compagnie du maître constructeur Chuck Commanda et des gardiens Wahkohtowin. Photo : Kari Luhtasaari

Fabrication de canots d'écorce en compagnie du maître constructeur Chuck Commanda et des gardiens Wahkohtowin. Photo : Kari Luhtasaari

Le projet a débuté lorsque notre directeur de programme, David Flood, a rencontré Chuck Commanda, un maître constructeur de canots de Kitigan Zibi, au Québec. En août dernier, Chuck s'est rendu dans notre communauté et nous sommes allés en forêt avec lui afin d’en savoir plus sur les matériaux requis. Il a enseigné à notre équipe de gardiens à récolter l'écorce de bouleau, le cèdre, le frêne noir, les racines d'épinette et la gomme d'épinette. Nous avons appris à connaître le territoire et à le voir sous un jour nouveau. Cette expérience a été enrichissante et elle m'a aidé à renouer avec le territoire, avec ma culture et avec mes ancêtres.

Récolte de matériaux nécessaires à la construction du canot. Photo : Amberly Quakegesic

Récolte de matériaux nécessaires à la construction du canot. Photo : Amberly Quakegesic

Chuck dit que de « faire du canot nous apprend que nous sommes tous dans le même bateau et que pour avancer, nous devons unir nos efforts ». Le canot a toujours été un élément central de la vie des peuples des Premières Nations. Il leur permettait de survivre, de se déplacer et de commercer. Tout au long de cette aventure, je n’ai pu m'empêcher de me demander à quel point ce projet aurait été différent pour nos ancêtres et quel genre d'outils ils auraient utilisés. J'ai souvent eu l'occasion de m'interroger sur leur mode de vie, leur alimentation et sur la pureté de leur façon de vivre en général.

Je me suis aussi demandé si l’air, l’eau et les terres étaient dans un état très différent à cette époque. Puis je me suis mise à réfléchir à mes propres valeurs et croyances. La construction de ce canot m'a donné beaucoup de temps pour réfléchir sur moi-même et pour prendre conscience du monde en constante évolution qui m'entoure. 

Intérieur du canot durant la construction. Photo : Kari Luhtasaari

Intérieur du canot durant la construction. Photo : Kari Luhtasaari

consiste également à faire évoluer notre conception du monde et à aider les gens à adopter une perspective autochtone. C'est particulièrement important pour nos jeunes. 

Nous menons plusieurs projets qui permettent aux jeunes de vivre sur le territoire et de renouer avec leur culture et leurs traditions. Parmi ces projets, on compte la construction et l'installation de panneaux solaires, une cabane à sucre en bouleau, un travail de recherche sur les alternatives aux herbicides, un camp d’été pour les jeunes et bien d'autres encore. Nous voulons accroître la présence de gens sur le territoire qui veilleront sur les plantes, les herbes médicinales et sur les animaux. Cette surveillance comprend la recension des plantes médicinales et l’évaluation continue de l’efficacité des zones désignées pour la protection des populations d’orignaux.

Nous faisons de notre mieux pour offrir aux jeunes les moyens de poursuivre leurs études, de trouver un emploi et de redonner à leur communauté d'origine. Notre programme des gardiens permet de renforcer la confiance en soi par le développement de compétences, le travail sur le terrain, le fait de renouer avec les aînés et de trouver un sens à sa vie. 

Mise à l’eau du canot au village de Chapleau par l'équipe Wahkohtowin. Photo : Kari Luhtasaari

Mise à l’eau du canot au village de Chapleau par l'équipe Wahkohtowin. Photo : Kari Luhtasaari

Je dois l’admettre : lorsqu’on a commencé à construire le canot, je me suis demandé si les matériaux que nous avions nous-mêmes récoltés étaient adéquats. Mais je me suis aussi sentie inspirée et confiante en sachant que je pouvais compter sur les connaissances de mes coéquipiers. Lorsqu’on participe à des enseignements et à des projets de ce type, nous sommes en présence de gardiens du savoir traditionnel et nous prenons conscience de toute la dextérité nécessaire à la construction d’embarcations d’une telle qualité. On gagne en confiance. Je me sens maintenant liée à ce canot. Je crois que c’est pareil pour toute l'équipe du programme des gardiens, d’autant que tous les matériaux utilisés proviennent de la forêt. 

Ce type de savoir traditionnel est très important - il s’appuie sur des milliers d’années d’apprentissages expérientiels et de connaissances du territoire et de l'environnement qui sont liées à la spiritualité. Il est transmis de génération en génération par ceux et celles qui ont appris à vivre sur le territoire en équilibre avec leur environnement. La terre nous fournit tout ce dont nous avons besoin. En tant que gardien de la terre, il est de notre devoir de la protéger. Le programme des gardiens me donne de l'espoir parce que nous œuvrons sans relâche à préserver le savoir traditionnel, à sauvegarder notre culture. Nous luttons afin de participer plainement aux décisions en matière d’aménagement forestier. Nous luttons contre le changement climatique. Nous éduquons les jeunes, nous renforçons les capacités de nos communautés et nous sommes à l'écoute de nos aînés.

Amberly Quakegesic en canot avec le maître constructeur Chuck Commanda. Photo : Kari Luhtasaari

Amberly Quakegesic en canot avec le maître constructeur Chuck Commanda. Photo : Kari Luhtasaari

Lorsque le grand jour est arrivé, et qu’est venu le moment de mettre le canot à l'eau, la communauté de Chapleau était fascinée. Et elle est venue manifester son soutien! Afin de mettre en valeur la mise à l'eau de notre canot, l'équipe des gardiens l’a porté dans le village de Chapleau jusque sur les berges de la rivière, où s’est déroulée une petite cérémonie rythmée de chants et de tambours. Finalement, ce fut une expérience enrichissante pour tous les participants. Ensemble, nous avons appris, nous avons ri, nous avons partagé de précieux moments et nous avons noué des liens avec le territoire et entre nous qui dureront toute une vie. Notre objectif est d’amener plus de jeunes à renouer avec le territoire et à témoigner de leur expérience et de leurs enseignements afin de préserver ces précieuses traditions. 

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