Le territoire est source de guérison : la contribution des gardiens au renforcement des communautés

7 mai 2020 | par Kristen Tanche

Crédit photo : Kristen Tanche, monts Mackenzie

Crédit photo : Kristen Tanche, monts Mackenzie

Il y a de ça plusieurs années, dans le cadre du programme pilote du centre Dechinta qui comprenait un volet sur l’intendance autochtone des terres, j’ai commencé à comprendre réellement ce concept et à mieux saisir la notion de gardien. Je me trouvais sur le territoire traditionnel des Dénés Sahtu Gotie et Kaska, entourée des monts Mackenzie, de paysages luxuriants et d'animaux sauvages, et j’étais immergée dans la culture autochtone.

Je traversais une période difficile de ma vie, marquée par le deuil, la perte et la toxicomanie. J’étais également aux prises avec une foule de « choses », notamment les effets de la colonisation et les traumatismes intergénérationnels, et j’étais en quête identitaire. Le fait d’être en pleine nature, immergée dans ce mode de vie axé sur la culture et le territoire, m’a permis d’échapper à ma réalité. Je ne pouvais pas assouvir mes besoins de toxicomane. Je devais me concentrer sur notre communauté en forêt. Je disposais de temps pour respirer. De temps pour penser et ressentir. 

C’est notamment grâce à mon expérience sur le territoire, dans les montagnes, et à d'autres événements finalement liés au territoire et à la culture, que j'ai pu chercher à suivre une autre voie. Ce chemin, profitable pour moi, mais peut-être pas pour d'autres, a été celui de la sobriété.

J’ai aujourd’hui un emploi au sein de mon gouvernement autochtone : les Premières Nations du Dehcho. Depuis deux ans, je travaille dans le domaine des terres et des ressources. Je participe à la mise en place d’activités de programmes fondés sur le territoire et au programme des gardiens et de l'intendance autochtones du Dehcho K'ehodi.

Ce travail m’a rendu plus forte et surtout, il m’a permis de constater de mes propres yeux les effets sur les gens d’un mode de vie ancré dans le territoire. J'ai vu des jeunes participer à des activités liées au territoire et trouver la motivation nécessaire pour persévérer dans l’apprentissage de leur langue, devenir mentors à leur tour, s’inscrire à d’autres activités de programme. Je les ai entendus dire que renouer avec le territoire leur a permis de se sentir des Dénés de nouveau. J'ai aussi vu des gardiens devenir des mentors et organiser des activités. Je les ai vus partager leur savoir tout en accomplissant leur mission de « veiller sur la terre en vivant sur le territoire à la manière des Dénés ». J'ai vu des aînés fondre en larmes en constatant que la jeune génération savait parler leur langue, en partie grâce à la participation de ces jeunes aux activités de programme axées sur le territoire. J'ai également vu des écarts se combler entre les aînés et les jeunes dans leurs façons respectives d’interagir avec la terre.

Kristen Tanche lors d'un atelier de conversations en langue traditionnelle des Dénés Zhatie des Premières Nations du Dehcho. Photo : Justina Black

Kristen Tanche lors d'un atelier de conversations en langue traditionnelle des Dénés Zhatie des Premières Nations du Dehcho. Photo : Justina Black

Le programme des gardiens et de l’intendance autochtones du Dehcho K'ehodi contribue à concrétiser ces liens et à renforcer nos communautés de plusieurs façons : il assure la présence des gardiens sur les terres, il offre des activités significatives sur le territoire et il réunit les gens dans le cadre des rassemblements annuels.

L’intendance autochtone des terres et le fait d’être sur le territoire génèrent une multitude de retombées positives dans divers domaines. Mais en fin de compte, je crois qu’ils permettent avant tout aux participants de se retrouver, de guérir, de se sentir protégés et nourris. Vivre sur le territoire permet de prendre une pause, de renouer avec soi-même et avec notre culture ancrée dans le territoire.

Le territoire est une source de guérison. C’est là qu’on devrait tous être.

Kristen Tanche est membre de la Première Nation Łı́ı́dlı̨ı̨ ́dlıKų. Elle a grandi dans le Nord avant de retourner, il y a dix ans, dans sa communauté natale de Łı́ı́dlı̨ı̨ ́dlıKų (Fort Simpson) dans le but de renouer avec sa famille, sa communauté et la culture dénée. Elle est aujourd’hui coordinatrice régionale de la Santé et du bien-être pour les Premières Nations du Dehcho.

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